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Le Cygne Manchot

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Le Cygne Manchot
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6 février 2007

s vienes pr le garder chaud pdt 2 ans!!!

le

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13 juillet 2006

Chapitre VII

Big Bud is good !

4 septembre – matin

Orace Carter-Bud regardait la nappe verte qui ornait sa table avec dégoût. Des serviettes roses rajoutaient une dimension affligeante à ce spectacle. Beurk. Il détestait les diners dans ce genre, mais il y avait pire. Par la fenêtre, il avait tout le loisir de contempler un magnifique M jaune. Le premier Mc Donald de Seattle. Une mal bouffe en passe de devenir le repas préféré des américains…

Et ces putains de caisses rutilantes, toutes parfaitement alignées. Papa ne voulait pas de rayure sur sa fierté… Des quatre places. Grosses, moches exceptions faites des muscles cars, trop rares à son goût. Tiens, il devrait aller faire un tour dans Union Street ce soir…

     - Tu manges pas ?

     - Je t’attendais.

Goldwin se glissa sur la banquette en skaï en s’asseyant royalement sur son manteau.

     - T’as raison. Tu fais presque respectable avec ton imper.

Le flic sourit et ouvrit les pans de son manteau, révélant une énième combinaison de vêtements non assortis.

     - Range tout ça. Ca offense mon sens de l’esthétisme.

     - Je suis bien comme ça.

     - C’est toi qui les portes. Bon, c’est quoi ce rencard ? T’es à cours ?

     - Non, c’est professionnel.

OCB parut étonné.

     - Je ne suis pas une balance.

     - Je sais. Mais tu étais au Cygne Manchot avant-hier.

     - Ah.

     - Ouais, « ah ». Tu comptais me dire un jour que tu allais te ranger ?

     - Ben oui, mais là tout de suite, non.

     - Et tu attendais quoi ? Le repas annuel familial dans le Wisconsin ?

     - C’était une option. Tu connais papa et maman, il n’apprécieraient pas que je me marie avec une chanteuse de bar. On attendait qu’elle parte de ce cloaque.

     - Et finalement tu t’es rendu compte que le gentil frère ne bénissait pas votre union à la faveur d’une mandale ?

     - Par exemple. Ecoute, j’aime Véra. Vraiment. Je déteste la savoir là-bas, paluchée par des libidineux aux doigts baladeurs. Tant qu’elle le supporte, on attend.

     - Je vais pleurer. Pas aussi perchée que ça, la demoiselle.

     - Pas perchée du tout, elle est clean. Si je te dis qu’elle ambitionne de devenir une petite bourgeoise, tu me crois ?

     - Sans mal. Comment tu l’as rencontrée ?

     - Elle était venue dans mon magasin pour chercher une crème réparatrice. C’est Ping-Pong qui lui a conseillé l’adresse.

     - Ping-Pong ?

     - Tu connais pas Ping-Pong ? Tu rates quelque chose. C’est la demi-mondaine préférée de Claude. Les asiat sont sacrément intelligents. Il croit toujours qu’elle ne parle pas notre langue. Bref, je l’ai trouvée jolie, elle aussi visiblement, on a discuté, je lui ai filé rencard, et voila je suis fiancé.

     - Depuis combien de temps ?

     - Euh… six mois.

     - Connard.

     - Vous avez choisi ?

Les deux frères se tournèrent vers la serveuse drapée par une chose très courte de la couleur des serviettes. Goldwin fronça les sourcils.

     - Un thé glacé et un pancake sandwich.

     - Café ?

     - Non.

     - Et vous monsieur ?

Tout en continuant de la scruter, Goldwin débita la moitié du menu.

     - Et c’est tout ?

La serveuse avait le sourire qui menaçait.

     - Il mangera tout, vous inquiétez pas.

Il s’était transformé en rire.

     - Je n’en doute pas. Jus d’orange ?

     - S’il vous plaît.

     - C’est parti.

Elle s’éloigna en dictant sa commande au cuisiner qui suait dans son coin.

     - C’est pas mes fiançailles qui te coupent l’appétit, on dirait.

     - Il m’en faut plus que ça.

     - T’as l’air troublé quand même.

     - C’est rien, une impression persistante de déjà-vu.

     - Tu en étais à « connard ».

     - Laisse tomber, on en parlera plus tard.

     - T’es fâché.

     - Je ne me fâche jamais. Plus tard.

     - Ok.

     - Donc, tu es venu faire quoi au Cygne Manchot ?

     - Tu me soupçonnes ?

     - Non, mais tu es un témoin.

     - Scrupuleux, perfectionniste et enragé à la tâche. Mon petit frère d’amour…

     - Va te faire. Si je me plante, j’ai plus qu’à me reconvertir en privé. Et j’aime trop emmerder les collègues.

Orace attaqua ses toasts beurrés.

     - Normalement, je viens la chercher tous les jeudis. Mais j’attends dans le parc à pigeons. Je taille un bout de gras avec les Homeless.

     - Et tu deales.

     - Evidemment.

     - Papa et maman ne seraient pas contents s’ils savaient. Ils recommanderaient ton âme à Dieu.

OCB haussa les épaules.

     - Ils n’en savent rien et c’est très bien comme ça. Et j’ai besoin de testeurs pour mes expériences.

     - Des cobayes.

     - Non. Je deale, mais pas n’importe quoi. C’est pas parce qu’ils n’ont personne et que tout le monde s’en fout que je fais ça. Ce sont aussi des êtres humains. Je leur donne un peu de rêve, ils en ont besoin.

     - Tu me brouilles surtout des pistes. Et donc ?

     - Elle, Véra, était en retard. Et j’ai vu un noir se faire éjecter du bordel. Comme il arrivait pas à se relever, je suis allé lui donner un coup de main. Claude l’avait bien amoché. Je lui filé un peu de fric pour qu’il boive un coup ailleurs, mais il s’est dirigé vers le bar. Je me suis résigné à le suivre, la mère est pire que le fils question castagne. Ca a pas loupé. Il s’est fait alpagué, il avait pas fait deux pas à l’intérieur. Et Claude est sorti d’on ne sait où. Vera m’a dit qu’en fouillant dans ses affaires, il a trouvé la bague que je lui avais offerte. Il devait la faire surveiller parce que ni une ni deux, il se précipite sur moi alors qu’il ne m’a jamais vu. Imagine le rugissement d’un lion, ça ressemble au son qui est sorti de sa bouche. Le noir a essayé de me renvoyer l’ascenseur mais Claude l’a chopé et s’est mis à jouer les autos tamponneuses avec nos crânes. Au bout d’un moment, j’ai vu Mickey et Dingo. Mais ça s’est brusquement arrêté. Le pianiste s’est interposé et lui a arraché le noir des mains.

     - Et il gesticulait tellement qu’il en a collé une à ta dulcinée.

     - Ouais. Ca a failli partir en string, mais Belle-Maman a vite remis de l’ordre.

     - A viré le noir, t’as envoyé à la merde.

     - Et tiré son rejeton par l’oreille. J’ai eu mal pour lui. Je suis gentiment retourné dans le parc avec mes potes SDF et j’ai recommencé à attendre.

     - Et le black ?

     - Ah ça, je sais pas. Je l’ai pas revu après ça.

     - Tu n’as rien entendu ?

     - Rien. Les clodos gueulaient dans leur trip. Bonne came, en passant.

     - Véronica est venue ?

     - Affirmatif. Pour me dire qu’on remettait ça. Ca s’était calmé mais Majax leur a fait un show plutôt étonnant. Pour éviter le malaise, Véra a repris un tour de chant. T’as tout noté ?

     - Ouais.

     - Timing parfait. Voila notre petit déjeuner.

Pendant qu’elle se débarrassait des plats, Orace en profita pour flatter sa croupe.

Elle se retourna, l’air pas content.

     - Je suis serveuse, pas une jument. Refaites ça et je vous casse la main.

Elle n’avait pourtant pas l’air énervée.

     - Oh mon dieu, une féministe.

En fait, elle souriait. Et lui adressa un regard amusé avant de partir s’occuper des autres clients.

     - Elle l’aurait fait.

     - Tu crois ?

     - Tu matais son cul, moi je regardais ses yeux. A mon avis, elle aurait su comment s’y prendre.

Heureusement que j’ai un sourire canaillou sinon j’aurai eu du mal à expliquer ça à Véra.

     - T’as fait que toucher et tu t’es fait mouché, c’est tout.

     - Y a-t-il quelque chose que tu trouves grave, toi ?

     - Ouais. T’imaginer marié.

     - Connard.

     - Chacun son tour. C’est le même moule.

     - Bon, bouffe, j’ai un business à faire tourner, moi.

     - Tires toi alors, faut que je réfléchisse.

     -  Tu veux toper ?

     - File.

OCB laissa l’addition mais posa un petit paquet à côté.

     - A plus.

     - ++

13 juillet 2006

Chapitre VI

Une partie de Ping-Pong

3 septembre – soir

Ping-Pong, la reine du vilebrequin taiwanais, avait été repérée dans un sordide bouge de Bangkok par Monsieur Claude en personne venu pour voyage… d’agrément. Toujours à la recherche de nouveaux talents, il se devait, bon commercial qu’il était, de toujours fournir les meilleures des prestations à ses clients. Et cette fille avait un sacré talent. Et un énorme savoir en matière d’ingestion de balles de ping-pong. A peu près 9/10ème de la population de Seattle n’avait pas connaissance de ce genre de luxure. Et 100% de cette masse ignorante serait horrifiée si elle voyait ce spectacle, certains pourraient même aller jusqu’à forcer les portes de leur paroisses pour prier avec ferveur contre la créature du diable japonaise (laissez tombez, ils en sont encore à Pearl Harbor…). Aucun n’aurait l’ombre d’un fantasme. Mais lui si. Et les gens plus pervers également. Et puis il avait une affection particulière pour sa petite Ping-Pong. Dans

la Venise

du 16ème siècle, on parlait de courtisanes. Dans une monarchie, on les nommait favorites. Et bien Ping-Pong, de son vrai nom Wang-Tan était sa courtisane favorite. Surtout quand elle lui massait les pieds avec cette huile qu’elle avait ramenée avec elle.

Au septième ciel, les yeux mi-clos et le corps relaxé, il savourait ses sensations quand Véronica surgit de nulle part pour se mettre à hurler comme une hystérique.

     - Qu’est-ce que tu as fait ? Ca ne te suffisait pas de m’étouffer, il a fallu que tu étouffes un pauvre clochard ? Tu es fou, Claude, il faut te faire soigner, tu es un malade !!!

Monsieur Claude ouvrit les yeux à regret et la regarda d’un air absent. Il était coutumier de ce genre de crise de sa petite sœur. Elle lui reprochait souvent tous les maux du monde, elle était trop fragile. Voila pourquoi il la protégeait autant, surtout d’elle-même.

     - Je n’ai rien fait.

     - Ah oui ? et ce… torchon qu’on a retrouvé sur lui, tu vas me dire que c’est un magasine mode et travaux ? Travaux avec un fouet clouté, ça oui !!! Comme si tu étais étranger au fait qu’il ait TON magazine en sa possession !!!

     - Je n’ai rien fait.

     - Arrête, tu vas me rendre folle. Tu me surveilles constamment, tu surveilles ceux qui me regardent, personne n’a le droit de s’approcher de moi avant de passer tes tests. Le seul qui ait réussi cet exploit, c’est parce que tu le crois homosexuel !

Monsieur Claude repoussa brutalement Ping-Pong qui n’avait pas cessé de lui prodiguer ses bienfaits. Il n’était plus d’humeur. Il redressa son ossature de bœuf et déplia son mètre quatre-vingt pour dominer sa sœur cadette de plus d’une tête. Il fit un léger mouvement de bras et la gifle claqua dans un bruit sec. Il était lourd, mais il frappait vite. Si vite que Véronica n’avait pas eu le temps d’esquiver. Avec le choc, sa tête fut emportée vers l’arrière, et un filet de sang coula de sa bouche. Les yeux écarquillés, elle fixa son frère et commença à pleurer.

Aussi rapidement qu’il lui avait assené un bon coup de battoir, il la prit dans ses bras et la serra à l’étouffer.

La bouche dans ses cheveux qui sentaient si bon, il prit sa voix la plus enjôleuse.

     - Tu ne devrais pas te mêler des affaires des grandes personnes. Ce n’est pas un monde pour toi. Tu vois bien qu’il faut que je te protège… Et si je te moleste un peu, c’est pour ton bien. Tu le sais, ma chérie.

Véronica laissa aller son corps contre celui si fort de son frère et se mit à sangloter doucement. Elle était vaincue.

     - Oui, je sais. Je sais, mais…

Claude lui posa un doigt sur les lèvres.

     - Il n’y a pas de mais. Fais ce que tu sais faire, chanter, et être belle pour moi. Le reste n’a pas d’importance, d’accord ?

Soupir.

     - D’accord.

Le grand frère sourit largement à sa petite sœur.

     - Voilà qui est mieux.

     - Qu’est-ce qui est mieux ? De recommencer à frapper ta sœur ?

Claude et Véronica se retournèrent en direction de la voix rauque et basse.

Dans l’embrasure de la porte se tenait leur mère, les bras croisés, passablement furieuse.

     - Claude, fous la paix à ta sœur, elle est grande, elle fait ce qu’elle veut. Et toi, ma fille, prend le raccourci, l’inspecteur Goldwin veut te voir. Je lui ai déjà servi quelques verres, mais il s’accroche l’animal. Offre lui en quelques autres, soit évasive au possible et assure ton tour de chant, y’a du monde ce soir.

Véronica baissa les yeux.

     - Oui maman.

     - Oui maman…, singea ironiquement Régina Castel. Et Maman te dit d’essuyer ta bouche, tu saignes. Et pique un glaçon dans le verre de ce pitbull pour t’apaiser. Tu lui diras que t’es pris l’étui de la basse de William dans le visage par mégarde. Et essaie d’être convaincante, pour l’amour de Dieu.

     - Oui maman.

Et Véronica s’esquiva aussi vite que possible par une porte dérobée, la main pressée sur sa bouche, sans un regard pour son frère.

Frère qui fut projeté la seconde d’après contre le mur. Ses cent kilos de barbaque ne lui furent d’aucune utilité contre la fureur de sa mère.

     - Ce n’est pas parce que tu fais dix kilos de plus que moi que tu peux te laisser à penser que tu as tous les droits. Tu possèdes ce bordel, mais pas mon bar, encore moins ta sœur. Si tu la bouffes comme ça, elle n’arrivera jamais à s’en sortir alors je te conseille, cher fils, de te tenir à carreau pendant quelques temps. On a les flics aux fesses, je te signale, et j’ai d’autres ambitions que de créer un parfum qui s’appelle « Cul au barbecue ». Alors arrange ton persil jaune, pince toi les joues et vient faire un petit tour de l’autre côté.

Monsieur Claude obtempéra sans rechigner. On écoute toujours sa maman. Quand bien même il continuerait à agir comme il l’avait décidé, et donc à protéger sa sœur comme il le devait,  il ne valait mieux pas contrarier sa génitrice. Sa constitution, il la lui devait. Et il lui reconnaissait aussi un sacré coup de poing pour en avoir tâté plus jeune.

Il jeta un coup d’œil à son bouquet. Un peu de traviole. Le persil jaune tirait un peu la tronche, mais il s’harmonisait avec le jaune poussin de sa cravate. C’était sa marque à lui et personne n’osait s’en moquer.

Il tira sa veste par le bas d’un coup sec, brossa ses épaules et rajusta son nœud. Voilà.

Il partit de l’autre côté pour surveiller sa sœur et cet inspecteur trop tendu qui aurait bien besoin des services de Ping-Pong.

Véronica Castel était belle de loin et pas trop mal de près. Elle était plus âgée que ce qu’il s’était imaginé, 25-26 ans, mais elle restait une très jolie fille. Ses yeux d’un bleu intense et sa peau claire lui donnaient cet air de fragilité qu’aimait les hommes, qui inspirait ce désir de protéger. Une jolie poupée, Véronica Castel, avec des beaux cheveux noirs à coiffer et des mains à agiter. C’était l’image qu’elle donnait au monde entier, sa famille y compris.

Mais ses yeux morts ne l’étaient pas. Elle savait bien jouer la comédie, la coquine, mais certaines fois elle se trahissait. Avant que Regina Castel, la veille, l’interrompe, il avait cru voir un éclair de colère. Dirigée contre qui, il ne le savait pas. Mais c’était bien de la colère. Tout comme il y a quelques secondes à peine avant que ses yeux reprennent leur mélancolique construction d’airain.

     - Vous voulez peut-être que l’on parle loin des oreilles indiscrètes ?

Véronica lui lança un regard aigu.

     - A qui faites vous allusion ?

     - Allons, Miss Castel, je ne suis pas dupe de votre si charmante fragilité éthérée. Même si je vous accorde une grande sensibilité, je mets aussi à votre crédit d’excellentes dispositions de comédienne.

La chanteuse recula d’un pas, étonnée. Elle sentit le regard de l’inspecteur sur sa bouche enflée.

     - Je suis sensée vous bourrer la gueule pour que vous compreniez tout de travers. Vous sourire et vous attendrir. Mais apparemment, vous n’êtes pas le genre à avoir la fibre sensible. Allons à une table près de l’orchestre, on sera moins susceptible de nous entendre.

Effectivement, Véronica Castel était beaucoup moins bête qu’une chanteuse blonde. Il la suivit, son… euh… quatrième verre à la main et lui tira sa chaise en bon gentleman.

     - Claude rode dans les parages, aussi serai-je brève. Les détails seront pour plus tard.

     - Je ne vais pas faire le difficile.

     - Je m’en serais doutée.

Véronica Castel avec un charmant sourire, blanc, doux et incurvé dans une petite moue enfantine.

     - Posez-moi vos questions.

Goldwin souleva le cuir de son carnet pour relire rapidement ses notes.

     - Bon… que faisiez vous la nuit du 1er au 2 septembre dernier entre 22heures et 1 heure du matin ?

     - Je commence mon tour de chant à 23 heures. Il dure entre 45 minutes et une heure. Avant mon entrée en scène, je dois me maquiller, souvent estomper certaines marques et chauffer ma voix, ce qui me prend bien une heure. Après le spectacle, je suis obligée de tendre ma main à ces messieurs prodigues en compliments et en mains baladeuses. Heureusement que je porte des gants.

Goldwin émit un petit rire.

     - Vous avez parlé de marques ?

Véronica toucha sa bouche.

     - Aujourd’hui, ce n’était qu’un coup sur la colère. Certaines fois de sont des gifles, ou des traces de doigts. Ca ne va pas plus loin. Mon frère est impulsif et assez colérique. Et surtout il est persuadé que je suis une jeune fille fragile et sans défense. Même s’il ne maîtrise pas tout le temps sa force, c’est un bon frère. Il veut que je m’en sorte, que je quitte cette vie. Ma mère se mêle rarement de nos différends. Elle estime que je suis assez grande pour faire ce que je veux.

     - Vous a-t-il frappé cette nuit là ?

     - Moi non mais quelques uns, si.

     - Que voulez-vous dire ?

     - Il y a eu une grande et magnifique baston au beau milieu de l’élégant bar de ma mère. Bien évidemment, le fauteur de troubles est mon frère. Il tentait d’allonger son bras en direction d’un type quand je suis arrivée. Un homme noir essayait tant bien que mal de le maîtriser, mais ce fut en vain, il était déchaîné.

     - Un homme noir ?

     - Oui. Grand, maigre, pas bien habillé, sûrement un sans domicile. Il voulait un verre, il avait de l’argent d’après ce que m’a dit une des serveuses, mais personne n’en voulait. Et au moment où il se faisait jeter à la porte par mon frère, quelqu’un d’autre est arrivé pour attirer des foudres d’un autre genre.

     - Qui ça ?

     - Orace Carter-Big Bud.

Tiens tiens… Goldwin griffonna quelques mots sur son carnet. Véronica regardait autour d’elle, essayant de rassembler ses pensées pour aller au plus vite.

     - Et que faisait Mr… (Goldwin regarda son carnet) Carter-Big Bud au Cygne Manchot ? C’est un habitué ?

     - Orace ? Non, je ne crois pas. Il ne croit pas à la magie, il ne boit pas et il n’aime pas ma voix. Alors je ne vois pas beaucoup de raisons qui le pousseraient à venir, sauf pour le reste de ma personne.

     - Vous êtes donc comment le formulerai-je… intime avec Mr Carter-Big Bud ?

     - Je suis sa fiancée depuis hier soir, ce qui explique la fureur de mon frère. Il n’aime pas les hommes qui gravitent autour de moi, sauf Matt qu’il tolère, alors un apothicaire qui fricote avec des gens pas clairs, c’est hors de question…

     - Matt ?

     - Le pianiste. Il m’accompagne souvent. Il a fait la guerre de Corée, alors, des fois, il se retire en lui-même. C’est pour ça qu’il est très bon au piano. Lui aussi s’est battu. Il a tenté de maîtriser l’homme noir qui essayait de casser une bouteille sur le crâne de mon frère.

Goldwin se renfonça dans sa chaise, définitivement inspiré par cette enquête.

     - Et Sa Seigneurerie dans tout ça ?

     - Sa Seign… oh inspecteur, ce n’est pas très gentil.

     - Vous n’avez pas l’air de vous offusquez.

     - Je vous fais grâce de ma colère aujourd’hui. Ma mère est venue s’interposer, comme vous vous en doutez. Elle a administré quelques raclées, mais elle ne pouvait pas non plus cogner comme une brutasse devant ses clients. Elle a tiré mon frère par les oreilles, fait virer l’homme noir et expédié Orace au diable pour ce soir sans savoir le pourquoi de la querelle. Et Matt est allé se rasseoir au piano pour faire diversion. Claude est là. Prenez un air blasé, vous avez l’air d’un chat qui boit du petit lait. Ca vous fait une drôle de tête, par ailleurs…

Goldwin repéra Monsieur Claude qui effectivement de dirigeait vers eux et repris son masque de circonstance. Véronica se leva et pris congé à voix basse pour regagner sa loge. Elle évita de rencontrer son frère et disparut de la salle principale.

Goldwin se mit à trouver passionnant le fond de son verre. La moitié de son champ de vision était obturé par un costume K’Maro qu’il n’aimerait pas avoir à se payer et à une tâche jaune poussin. La cravate du jour… Il avait du goût, le proxénète…

     - Vous avez tout ce que vous cherchez ?

     - Vous savez bien que non et vous venez vous en assurez. Mais n’ayez crainte, je suis assez tenace.

     - Personne n’en doute, mon pote. Mais pour l’heure, on a fini de te faire crédit pour ce soir. Alors soit tu allonges, soit tu repars.

Goldwin le regarda droit dans les yeux. Monsieur Claude s’étonnait toujours de l’opacité de ce regard. Il avait des accointances dans la police du quartier. Il connaissait la réputation et les rumeurs qui courraient sur cet inspecteur. Beaucoup ne l’aimaient pas. Il comprenait maintenant pourquoi. Personne n’aime avoir à faire à des gens qui ne révèlent rien et semblent de rien cacher. Comme une coquille vide. Ca rendait le personnage complexe et intéressant mais sympathique, ça restait à voir.

     - J’ai un mandat, Monsieur Claude. Mais je vous épargne la peine de me prendre mon pauvre salaire de flic, je garde une partie de mon mandat pour les prochaines fois. Comme demain, par exemple…

Sur ces paroles acides, Goldwin se leva, remis son chapeau et salua son interlocuteur. Quand il sortit, il entendit la voix grave d’Aphrodisia qui s’élevait. Son frère était sûrement resté à proximité.

Dans les ruelles obscures, sans crainte particulière, Goldwin se souriait à lui-même.

Orace Carter-Big Bud était le fiancé haï de Monsieur Claude qui avait tenté de l’emplâtrer dans le mur du fond. L’homme noir, bien que sur le point d’être jeté comme un malpropre avait un certain sens de la justice – ou alors il n’était pas encore plein comme une outre – et il avait tenté d’empêcher la lutte. Monsieur Claude ne sachant comment se défaire de deux hommes lui causant sur le coup une égale colère essaya de les cogner l’un contre l’autre. Mais le pianiste, accessoirement ancien GI réussit à les séparer. C’est à ce moment là que Régine Castel vint tout remettre en ordre, ce qui n’avait pourtant pas empêché Véronica, venue au secours de son fiancé tout frais se prendre un coup par le noir qui gesticulait un peu trop dans la poigne du pianiste.

Voila comment le noir s’était retrouvé catapulté hors du bar. Et expliquait qui aurait pu le tuer. Ouais, là c’était fendard.

Arrivé chez lui, l’inspecteur réjouit balança son pardessus et son chapeau, ébouriffa ses cheveux noirs et blancs et s’appliqua à rouler une Sherman. Il avait besoin de réfléchir. Et bien.

13 juillet 2006

Chapitre V

Juif, arabe ou pragmatique ?

3 septembre - matin

Le 3 septembre 1957, l’inspecteur Goldwin ferma sa porte, descendit les cinq étages qui le séparaient du rez-de-chaussé et sortit de son immeuble. Sa voiture était en réparation, mais ça ne le dérangeait pas de marcher.

En fait, pas grand-chose ne le dérangeait. Seul dans sa profession, par choix puis par obligation, seul dans sa vie, il n’avait besoin de rien d’autre que ce qu’il estimait nécessaire. D’aucuns auraient pu le trouver inintéressant, limite chiant. Mais rien que le regarder ôtait cette illusion. Car c’était se leurrer que de croire qu’il n’avait rien à apporter. Seulement il attendait les bonnes personnes.

Il marcha silencieusement pendant trente minutes, se fondant dans la foule animée. Des collégiennes en uniforme, des adolescents arborant la coiffure d’Elvis, des cols blancs pressés de rentrer manger les bons petits plats que leurs épouses avaient mitonné. Avec son pardessus et son chapeau rabattu sur son regard, ses mains dans les poches, il n’attirait l’attention de personne. Tant mieux. Tant pis. Parvenu à sa destination, il attendit que le portier vienne lui ouvrir, le gratifia d’un salut poli et s’engouffra dans l’immeuble.

Au 18ème étage, il pénétra dans le bureau de son notaire. Salomon Ben Acry l’attendait patiemment, les mains jointes sous le menton, les lunettes négligemment posées sur son nez busqué. Sal était une blague à lui tout seul. Grand, maigre, osseux, il était typé de manière indéfinie. Américain de naturalisation, il venait d’un pays dont on entendait très peu parler, où alors qu’on ne connaissait tout simplement pas. Trop loin. Pas intéressant pour les medias. Le Kurdistan était tout petit en comparaison des magnifiques Etats-Unis et personne d’important n’en venait. Saul Sal, bien sûr.

Goldwin lui serra chaleureusement la main et s’assit à l’invitation du notaire.

     - T’as une sale mine mon vieux.

     - Ta gueule ne me revient pas non plus.

C’était une plaisanterie entre eux. Sal aimait jouer les cons, mais il était loin de l’être. Notaire aux affaires florissantes, il avait le nez – et quel nez !-, le sens des affaires et un humour extrêmement caustique qui lui causait beaucoup d’inimitiés. Mais cela lui était égal. C’est pour ça qu’ils étaient devenus amis, tous les deux. Ca et l’argent que Sal gérait pour Goldwin. Il le laissait faire ce qu’il en voulait, ce qui permettait au notaire aux dents pointues de faire des investissements risqués qui s’avéraient souvent fructueux. Sa clientèle était aisée et policée. Son ami correspondait au premier critère, mais pas franchement au second. Mais Sal aimait les gens sûr d’eux, avec les pieds sur terre et qui avait une vision pragmatique de la vie. Il aimait aussi les jolies femmes, de préférence menues et blondes. Si elles avaient de l’esprit, c’était un plus.

     - Quoi de neuf ?

     - Un meurtre qu’on m’a refilé. Des indices qui ne concordent pas bien, ou alors qu’on a foutu là pour me pourrir la vie. Va savoir, tu sais qu’on ne m’aime pas dans le 55ème.

     - Pour ce que ça te fait… Tu te plains, maintenant ?

     - Tu sais bien que c’est pas mon genre. C’est juste que je trouve tout ça louche. Je t’accorde que ça me plaît bien, mais il y a quelque chose qui me dérange.

     - Ne m’en dis pas plus pour l’instant. Alors, que puis-je faire pour toi aujourd’hui ?

Goldwin se renversa sur son siège et croisa les mains derrière sa nuque.

Sal sourit. Ca faisait de l’effet à bien des personnes, mais pas à lui. Un jour il était juif, un autre arabe pour les besoins de ses affaires. Mais il avait toutes les qualités de ces deux religions, entre autres celle de voir à travers les regards, surtout les plus opaques.

     - Rien d’extraordinaire. Juste libérer une partie de mes investissements en cash.

     - Tu ne me l’as jamais demandé.

     - Tu ne peux pas ?

     - Je n’ai jamais dit ça. Je peux tout faire. C’est qui le Papa, mon pote ? Tu veux en faire quoi ?

     - Tu voudrais savoir, n’est-ce pas ?

Sal fronça les sourcils.

     - Pas de ça avec moi, vieux. Je te connais trop pour que tu me fasses de l’effet.

     - Je te fais pas d’effet ? Tu me vois très déçu. Moi qui avait espéré qu’on aille boire un verre ensemble un de ces soirs…

     - Crétin…

     - Ouais.

     - Tu es trop sûr de toi et pas assez de ton charme.

     - Tu as tout ce qui me manque.

     - Débile…

     - Ouais. Bon tu me donnes mon fric ?

Sal soupira. Rien à faire.

     - Ok. Mais j’accepte ton verre en échange.

     - Ca tombe bien. On m’a réservé une cuvée spéciale de Rhum. La patronne t’en offrira bien un godet aussi.

     - J’aime pas trop cet endroit et tu le sais. T’es sûr que tu veux juste que je débloque de l’argent ?

     - Non. Mais tu ne refuseras pas, j’ai dans l’idée qu’une certaine journaliste ira pointer son nez dans le coin ce soir…

Les yeux de Sal se plissèrent et sa moustache frémit. Un tout petit sourire de connivence. Tous deux savaient que Bridget Pepper Arvor était son dernier faire valoir en date. Et elle se servait de lui aussi à sa manière qui lui convenait parfaitement, surtout sur l’oreiller.

     - Ca marche. J’adore le mambo.

     - Tu danseras tout seul. Pas question que je me colle à ton visage de Kurde.

     - Je ne l’espérais pas. Il existe des gentilles serveuses pour ça.

Goldwin haussa les épaules pour faire glisser le commentaire. C’était un solitaire, et il n’abordait pas les femmes juste pour obtenir ce que certaines offraient volontiers.

     - Ce soir, c’est la brune qui sent le café. Aucune chance de la faire danser.

     - Oh, ne prends pas cet air blasé, tu n’es pas plus marri que moi. Je désespère que tu te cases un jour. Mais tu pourrais au moins entretenir ta libido…

     - Tu me prêterai Bridget ?

     - Que dalle.

     - Et ben voilà, ma libido restera au niveau où elle est.

Goldwin avait ses méthodes à lui pour qu’on lui foute la paix. Sal soupira et laissa voler une mouche.

     - Viens me prendre à 22h.

L’inspecteur se leva et ouvrit la porte. La main sur la poignée, il lui adressa un au revoir de son cru.

     - Et surtout, fais toi belle !

Sal lui montra son doigt le plus long.

     - Rien que pour toi, mon grand.

13 juillet 2006

Chapitre IV

Le Cygne Manchot

2 septembre – après-midi

Le Cygne Manchot était un établissement réputé pour ses prestations fines et spiritueuses. En apparence, rien de louche ne s’y tramait, si ce n’est sa localisation géographique en plein cœur des quartiers défavorisés. La porte d’entrée était massive et celui qui la gardait du même acabit. On en était encore à donner un mot de passe pour pénétrer le saint des saints. C’était comme si le temps s’était figé dans le souvenir des roaring twenties. Goldwin lui, n’eut qu’à brandir sa plaque. Ca ne marchait pas toujours, surtout dans ce genre d’endroit où les flics n’étaient pas spécialement la crème de leur clientèle. Mais le vigil dont la chemise retenait tant bien que mal le poitrail massif de la bête s’effaça non sans lui adresser un regard d’avertissement.

Goldwin ne s’étonna pas du luxe discret qui s’affichait à l’intérieur. C’était souvent le cas pour ces bars qui n’accueillaient pas les clodos mais plutôt les gens importants qui souhaitaient garder l’anonymat. C’était une des raisons qui faisait perdurer le quartier.

A gauche de l’entrée, il y avait le bar. Et c’était un sacré bar. Tout ce que vous pouviez demander en matière d’alcool, vous l’aviez. Le zinc du comptoir brillait, les chaises étaient capitonnées de cuir rouge et les bouteilles étaient sagement alignées derrière le barman en livrée respectable.

A droite, tout au fond, il y avait la scène où se produisaient des artistes de passage. Elles faisaient face aux innombrables tables ornées de lampes et de bouquets de fleurs fraîches. Les clients n’avaient qu’à se tourner une fois se spectacle fini pour apprécier la beauté de la chanteuse ou les cuivres de l’orchestre. Mais c’était sûrement pour les beaux yeux bleus qu’on se tournait volontiers. A moins d’être un eunuque ou un homme fidèle à mort.

Ce soir, il n’y avait pas grand monde. Ils avaient du avoir vent de l’affaire du noir et avaient jugé préférable de ne pas s’afficher ici pendant quelques temps. Goldwin entendait la chanteuse murmurer suavement sans se déhancher. Elle n’était pas au meilleur de sa forme ce soir. Le pianiste qui l’accompagnait n’était pas aware non plus. Son doigt absent devait lui manquer. Il avait un nom, mais tout le monde se référait à lui comme le pianiste au neuf doigts. Nul ne savait où et comment il l’avait perdu, et ce n’était pas un sujet de conversation qu’on abordait. Il avait la gueule d’un héros de guerre et était encore jeune. Il avait du aller en Corée. Bon papa ou frappe, on respectait les types comme lui. Les gentils parce qu’il avait son devoir pour la patrie, les autres parce qu’en bon soldat, il devait connaître deux trois trucs capable de tuer un bœuf. Alors on ne s’en approchait pas trop.

Les clients animés parlaient à leurs voisins, apostrophaient les connaissances des tables adjacentes, fumaient le cigare, buvaient un bon brandy. Ils adressaient un mot à la patronne qui pilotait son corps imposant entre les tables, pratiquant son quart d’heure relationnel. Regina Castel était une institution à elle seule. Cela faisait bien 30 ans qu’elle tenait ce bar et elle en avait fait un repère connu de la ville entière. Elle disait à qui voulait l’entendre qu’elle avait arrêté de vieillir la trentaine arrivée. En conséquence, elle était toujours vêtue de somptueuses robes venues tout droit des années folles, crêpait ses cheveux et portait ses indéfectibles boas en plumes. Quelques fois elle tirait Paqui, son animal de compagnie qui venait de l’île de Pâques, de son sommeil pour harnacher son corps froid et lisse autour de son cou. Un boa vivant, ça faisait toujours son petit effet. Et elle aimait ça, Regina Castel, oh que oui. Elle n’hésitait pas à élever sa voix de stentor au-dessus de n’importe quel ténor, ni à user de ses poings larges comme des battoirs pour foutre des peignées à celui qui lui cherchait querelle ou nuisait à son business bien réglé. Il y a quelques années, il y avait eu grabuge ici. En recueillant des témoignages, Goldwin, affecté à cette affaire, avait cru comprendre qu’elle était prodigue à montrer son affection percutante. Son témoin lui avait dit « Je n’ai jamais vu quelqu’un distribuer autant de pains à la fois ». Et il voulait bien le croire. Dans le genre, elle avait de la classe, surtout quand elle envoyait à la ramasse son amoureux transi, un type qui était là tous les soirs à la quêter du regard en essayant toujours de lui offrir un verre. C’était devenu le clou de la soirée, cette manière qu’elle avait de le regarder avec agacement comme si un chien lui pissait dessus et qu’elle lui filait un coup dans le cul. Pour l’heure, il noyait son regard dans son verre. Il songeait à sa prochaine approche, et il avait l’air de se dire qu’il avait épuisé son stock d’accroches.

Regina Castel avait repéré Goldwin dès son entrée, et elle le surveillait du coin de l’œil. Tant qu’il ne fouinait pas trop, elle le laissait faire. Mais dès qu’il s’approcha de sa démarche nonchalante de la chanteuse, elle se mit en mode croisière et se glissa près de lui. Elle eut droit à un signe de tête et un sourire énigmatique. Ils savaient tous les deux pourquoi elle avait délaissé sa clientèle pour venir à lui. A vrai dire, elle ne sentait pas ce type. Pas du tout. Non seulement il lui était antipathique rien qu’en regardant sa gueule, mais en plus il semblait vouloir asticoter Aphrodisia qui lui adressait des regards effrayés. Brave petite, jolie douce et gentille, mais pas une once de son caractère. Elle avait tout donné à l’aîné mais la gamine tenait de son père, c’était évident. Aphrodisia avait un problème avec la réalité. Elle préférait planer au-dessus. Dans son contexte professionnel, ça avait incontestablement un côté positif auprès de la gente masculine qui avait toujours un faible pour les créatures éthérées et distantes. Mais à ce moment précis, c’était dangereux.

     - Aphrodisia, va te reposer en attendant ton prochain tour de chant.

Paniquée, Aphrodisia s’esquiva comme une souris coursée par un matou affamé. Goldwin la regarda s’éloigner sans rien dire et dès qu’elle eut disparu, reporta son attention sur celle qui venait de l’empêcher de pratiquer son sport favori, faire peur aux petits chaperons rouges.

Regina Castel n’était plus aussi belle qu’au temps de sa jeunesse, mais les vestiges de ses printemps la laissaient agréable à regarder. Mais l’inspecteur savait pertinemment de quoi il en retournait avec elle.

     - Ca fait quelques années, Madame Castel.

     - Encore quelques unes n’auraient pas été du luxe.

Goldwin sourit encore, de ce rictus fin et sans consistance. Il aimait les esprits vifs et combatifs.

     - C’est étrange, mais je vous apprécie, Madame Castel. Vous m’avez manquée.

La tenancière du Cygne Manchot grogna et lui adressa un regard meurtrier. Il disait la vérité, ce con, et avec délectation. Mais à elle, il ne lui avait pas manqué. Mais pas du tout.

     - Vous ne m’intéressez pas.

Nouveau sourire.

     - Vous non plus, mais votre bar oui. Venons en aux faits. Tôt ce matin, on a découvert un cadavre non loin de votre établissement. Bien évidemment, rien n’indique qu’il est venu chez vous, ni chez votre fils.

Mais bien sûr… Genre rien ne l’indiquait… Si c’était le cas, il ne prendrait pas la peine de pointer sa gueule impavide dans le coin. Il s’amusait, cet inspecteur, et beaucoup même.

     - Donc en quoi cela me concerne t-il ?

     - Pour l’instant, en rien. Mais j’aurai besoin de connaître la liste des clients qui étaient présents la nuit dernière, disons, entre 22 heures et 1 heure du matin.

     - Vous croyez peut-être qu’il y a écrit la poste sur mon front ? Et comment le saurai-je ?

     - Madame Castel, je vous prends pour une femme avisée. Des listes, vous devez en faire à la pelle. Et vous connaissez tout le monde de la nuit. Alors pas à moi. Soit vous me donnez gentiment cette liste, soit je reviens avec un mandat. Je ne voudrais pas vous être désagréable…

     - Vous l’êtes déjà, comme une épine dans mon flanc.

     - Votre flan, je le laisse à Monsieur Dubois, qui semble très désireux d’en faire plus intime connaissance.

Connard, crétin et goujat. Les pains, là tout de suite, elle aurait aimé lui en coller quelques uns.

Ses yeux criaient tellement sa contrariété que l’inspecteur Goldwin se fendit d’un petit rire.

     - Vous voudriez savoir, n’est-ce pas, pourquoi je vous emmerde autant ?

Regina Castel ne prit même pas la peine d’acquiescer. Il ne lui donnerait pas satisfaction, il aimait beaucoup trop être énigmatique pour se dévoiler. En même temps, elle s’en battait l’œil.

     - Je vais honnête, Inspecteur Goldwin. Je ne vous ai pas à la bonne. Vous m’horripilez, je vous trouve bien trop impassible pour quelqu’un qui bout de l’intérieur. Et je n’aime pas les gens sournois. Alors vous savez quoi ? Ne prenez pas la peine de prendre un verre, je vous l’offrirai quand vous reviendrez avec votre mandat.

Goldwin haussa un seul sourcil et remarqua le poing crispé de la tenancière rousse. Elle adorerait lui coller un tampon, la dame sacrée des bas-fonds de Seattle. Il s’amusait beaucoup. Sa deuxième occupation favorite, celle où il excellait le plus, était de prendre les gens à rebrousse-poil. Pas pour être antipathique mais parce c’était une manière comme une autre de vivre. Et il se trouvait que c’était la sienne.

     - Alors réservez-moi un bon petit rhum de votre collection privée. Et quinze minute avec mademoiselle votre fille.

Il lui adressa un vrai sourire, découvrant cinq millimètres de son email éclatant et se détourna pour marcher vers la sortie.

Regina Castel, un instant surprise par ce sourire inattendu, le laissa filer tranquillement de sa démarche calme et raide. Pour un peu, elle l’aurait trouvé charmant. Ouah, elle avait besoin d’un verre. Elle fit un signe péremptoire à une serveuse qui s’empressa de lui fournir sa matière à réflexion. Il fallait éviter qu’Aphrodisia tombe dans les filets de ce psychopathe. Avec sa nature romantique, sa fille succomberait s’il lui faisait ce petit sourire. Mais pourquoi donc les femmes aimaient-elles les mauvais garçons ? Non mais je vous jure, elles étaient toutes les mêmes… Un œil distant, un sourire un peu moins, une nonchalance mystérieuse qui laissait penser qu’il cachait un lourd et douloureux secret qu’on voudrait consoler. Elles n’étaient pas de taille avec lui, ces greluches en pamoison. Mais Regina Castel, oui. Elle attendait avec impatience le retour de l’inspecteur. Et avec un peu de chance, sa main manucurée ferait intimement connaissance avec la pommette de Goldwin.

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13 juillet 2006

Chapitre III

L’étrange inscription sur le mur

2 septembre - matinée

Quand l’agent en faction vit arriver l’inspecteur Goldwin droit sur lui, il fit un salut dédaigneux et se carapata à petites enjambées rapides, mimant une envie pressante. Dans la brigade, on disait que c’était un ripou. Rumeur ou pas, en tout cas, c’était pas le luxe de ses vêtements qui le prouvait. Le seul truc correct qu’il portait, c’était son chapeau. Tout le reste était rarement à la mode, en tout cas il n’y avait pas de trous. Il était pas sale, le gars, juste peu soucieux de sa tenue vestimentaire. Il n’y accordait pas vraiment d’importance. Et puis bon, ce n’est pas parce que tu es sapé comme un prince que tu es plus efficace. Alors pourquoi s’emmerder ? On ne pouvait rien répondre à ça. C’était une des raisons pour lesquelles personne n’aimait l’inspecteur Goldwin. Ses raisonnements étaient étranges et simples en même temps. D’une logique imparable. C’était un bon policier, en tout cas il avait du flair et des couilles, mais pour le reste, c’était l’anti-modèle du pays si propre sur lui qu’était l’Amérique. Pourtant, certaines femmes du commissariat lui jetaient souvent des regards à la dérobée. Faut croire que malgré sa mise d’as de pique, il plaisait. Elles se disaient plus intuitives que les mecs et si elles soupiraient après lui, c’est qu’il n’était pas un ripou. Il était « spécial », voila ce qu’elles claironnaient. Et ça voulait rien dire de concret. Mais personne n’avait tort ou raison et il y avait peu de chances de le savoir, l’Inspecteur Goldwin ne semblait avoir ni d’yeux ni d’oreilles pour les ragots. Ses sens il les gardait affûtés pour des choses qui rentraient dans son cercle d’intérêt, comme cette mise en scène qu’il avait sous les yeux. Car c’était une mise en scène. Il avait reniflé le corps. Outre les effluves de whisky et la rigidité cadavérique, il y avait une autre odeur, plus douce, même douceâtre qu’il ne reconnaissait pas. Il avait les yeux grands ouverts sur le ciel, signe d’un mort soudaine, peut-être violente. Et ses mains étaient bleues. Il avait manqué d’oxygène. Pas de traces de coups ni de strangulation apparentes. Ce pauvre vieux était mort étouffé. Ce qui restait mystérieux, c’était comment. Et encore plus, comment expliquer la phrase visiblement écrite avec du sang alors qu’il ne saignait pas ? Surtout qu’elle était grammaticalement incorrecte. Goldwin la relut encore « Je suis mort parce que tu m’as tué ». Ca n’avait aucun sens. En fait rien n’avait de sens dans cette affaire, mais cela ne l’étonnait pas. Sinon il ne serait pas là. On l’attendait au tournant. Mais ce coup-ci, il y avait un truc louche. Sans le savoir, il en était arrivé aux mêmes conclusions que la journaliste au chien. Rien ne collait. Même pas le magazine que le pauvre type tenait enroulé dans sa main. Goldwin se baissa et desserra l’étreinte rigide de la main pour se saisir dudit magazine. Il ricana doucement. Ouais, rien ne collait, sauf ce magazine. « Fesse-moi avec une pelle » était un de ces torchons interdits à la vente. Mais comme tout bonne interdiction, le contournement rendait le produit beaucoup plus attrayant. Ce n’était que des pin-ups à poil la plupart du temps, munies du « fouet-canard », petit object intime qui faisait fureur chez les dégénérés. Goldwin regarda en direction du parc. Derrière se dressait une imposante bâtisse qui semblait anonyme. Mais il savait très bien ce qu’il s’y cachait. Une maison de passe style « bouge upper-class », un maquereau limite psychotique et surtout patron de ce torchon pornographique.

Résumons. Aucun indice qui concorde. Un magazine qui aurait pu être n’importe quoi mais qui était la propriété d’un type qui avait une petite bicoque à cent mètres, même pas. Et dont la Maman chérie possédait le bar dans la rue d’à côté dont venait sûrement le whisky frelaté de l’ami décédé. Goldwin soupira. Ca sentait le coup monté mais ce serait toujours intéressant de rendre une petite visite au « Cygne Manchot » ce soir. Là tout de suite, il fallait qu’il aille faire deux trois courses.

13 juillet 2006

Chapitre II

Fouille-merde

2 Septembre - matinée

Bridget Pepper Arvor prenait fébrilement des notes. Ces abrutis de flics s’étaient tirés en laissant un seul agent en faction qui semblait totalement se désintéresser du corps nauséabond. Il regardait sans inspiration particulière le mur couvert de lettres qui avaient bavées sur la brique spongiforme. Il avait des yeux de veau. Encore un crétin de plus sur terre, se dit Bridget.

Le mort, lui, était par contre beaucoup plus intéressant. Et tous les indices laissés encore plus, le flair de journaliste de Bridget Pepper Arvor était le plus fin du canard pour lequel elle bossait.

Ca ne sentait pas bon cette histoire. Surtout que cette impasse n’était pas n’importe quelle impasse. Bien sûr, ce genre d’endroit en regorgeait, toutes plus sales et effrayantes, mais la proximité de certains « commerces » excitait l’imagination de la journaliste et faisait trémousser son chien qui était recouvert d’un manteau du même motif que celui de sa maîtresse. C’est qu’il faisait frisquet des jours-ci. Bridget respira. Ca sentait le grand froid et le bon coup.

Elle griffonnait encore, laissant son esprit s’égarer sur la signification potentielle des indices quand elle entendit une voix basse et monocorde s’adresser à son dos.

     - Tirez-vous de là.

Cette voix, elle la connaissait. A chaque fois qu’elle se rendait, toujours la première, sur des lieux de crimes louches, elle l’entendait qui lui disait invariablement la même chose et rien d’autre. Avec toute sa classe et son chien, elle lui dédiait son plus beau sourire « J’ai ce que je veux, va te faire foutre, inspecteur de mes-deux » et faisait exprès de le frôler en s’en allant pour lui faire sentir l’effluve capiteuse de son coûteux parfum français. Et invariablement, il éternuait et reniflait dans la manche de son pardessus. C’était comme une habitude entre eux. Mais là, Bridget était beaucoup plus intéressée que par les affaires précédentes. Elle se retourna, lui fit un angélique sourire qui en fait voulait dire « Allez, crache moi ce que tu sais » et arrondit sa bouche pour parler.

Mais elle avait en face d’elle un adversaire sacrément coriace. Et hostile. Avant qu’elle ait pu prononcer un mot, il lui réitéra sa demande en termes encore moins polis.

Bridget rétréci ses yeux, prête à lui allonger une gifle retentissante. Mais elle jugea préférable de s’abstenir. Cet inspecteur n’avait pas l’air de se laisser frapper par une bonne femme. Il allait lui en retourner une sans l’ombre d’un remords. Alors elle prit le parti de siffler très peu élégamment son chien, histoire de faire comprendre à ce type que sous vernis il y avait une couche d’intelligence redoutable et de marcher sans foncer droit sur lui.

Le chien ne vient pas. Il s’était vendu à l’inspecteur et se frottait contre lui en quémandant des caresses. A l’étonnement de Bridget, l’inspecteur se pencha et flatta la tête du cabot heureux. En se relevant, il le poussa vers sa maîtresse et reprit sa marche vers son macchabée.


Bridget Pepper Arvor, légèrement troublée de ce geste amical, en tout cas non-inamical, fourra son calepin dans son sac, saisit son chien sous le bras et traça sa route en direction du journal. Elle allait voir en détail qui était cet énergumène. Et fouiller était son métier et surtout son super dada. En moins d’une journée, elle saurait tout sur l’inspecteur Goldwin.

13 juillet 2006

Chapitre II

La découverte d’un corps

2 Septembre 1957 - au petit matin

Le petit poste de la préposée à l’accueil du 55ème district de la police du quartier crachait un rythme dansant. Paul Anka chantait pour Diana. En faisant ses ongles, la secrétaire ondulait doucement et chantonnait. Elle vit la ruée d’hommes en pardessus qui se précipitait dehors et s’engouffrait dans les Studebaker équipées de sirènes hurlantes. Encore un meurtre, sûrement.

Ces temps-ci, la mafia avait la part belle dans ces mystérieux attentats. On leur faisait la guerre, on les traquaient, les écrouaient, les tuaient, mais il s’en trouvaient toujours d’autres pour prendre la relève. C’était une guerre sans fin qui ruinait le moral des policiers, faisait enrager les patrons et mettait le gouvernement à mal. Ouais, sale temps pour les flics américains ce 2 septembre 1957…

Quand bien même il faisait un soleil radieux, la horde qui s’était vautrée dans les voitures de police jurait et fulminait. C’était juste un noir qui était affalé de tout son long dans une impasse glauque du quartier le plus épouvantable de la ville, celui qu’on voulait raser sans grande réussite. Trop de personnalités possédant l’argent et le pouvoir s’y opposaient. Ca faisait marcher le commerce souterrain dont tout le monde à sa manière tirait profit. L’un des inspecteurs, petit, râblé et à peine pubère renifla de mépris et lança son pied dans les côtes du mort. C’était pas un coup de la mafia. Il avait un magazine cochon dans une main et une flasque de gnôle dans l’autre. Il puait en plus. C’était qu’un pauvre clodo dont personne n’avait rien à faire, encore moins les flics. L’inspecteur jouvenceau savait bien qu’il devait y avoir une enquête, c’était la procédure. Surtout que les yeux grands ouverts du macchabée fixaient un mur où était probablement écrit en lettres de sang une étrange phrase. Sauf que le crevé ne saignait pas d’une goutte. Pour le coup, on lui refourguerait le bébé et l’eau du bain avec, vu qu’il était le plus jeune des inspecteurs. Et merde…Il attendait la sentence en s’énervant sur sa matraque quand l’inspecteur principal donna l’ordre du départ. Ordre qu’il se garda bien de contester. Il n’était pas dans ce district depuis longtemps, mais il savait ce que le chef avait en tête, surtout quand il avait ce regard sadique et content de lui, et ça lui plaisait bien. D’une, il n’allait pas escrimer ses talents si précieux sur une enquête inintéressante, et de deux, elle retomberait sur les épaules de la bête noire du commissariat, ce qui était fréquent ces temps-ci. Cet enfoiré de ripoux allait pas rigoler quand il verrait le cadavre et l’inscription qui ne s’expliquait pas. Ouais, et les autres gars allaient bien se moquer en regardant de loin le vilain petit canard traîner ses grolles informes et son pardessus mité dans le coupe gorge le plus dangereux de la ville. Avec un peu de chance, soit il se vautrait, encore, ou mieux, il se faisait descendre. Vu qu’on pouvait pas le virer, c’était encore la meilleure solution. Ouais, Inspecteur Goldwin, cette fois-ci, vous allez avoir du mal, beaucoup de mal…

13 juillet 2006

Introduction

The Fabulous Fifties

Le temps que la guerre de Corée prenne fin en 1953, 50 000 américains sont revenus chez eux dans un cercueil. Avec la fin de la guerre vint la promesse du président Eisenhower d’un futur brillant pour les Etats-Unis. Ce fut le commencement d’un boom économique sans précédent. Pour la première fois depuis

la Grande Dépression

de 1929, l’Amérique n’était pas en crise.

Durant la fin de l’année 1953, la consommation de masse devint un phénomène social et l’argent fut mis à la banque. Les américains sont devenus des classes moyennes à la vitesse d’un million par an et les salaires ont augmenté de 4,5%.

Ce fut une époque de conformité quand les hommes, vêtus de complets en flanelle grise et de chemises blanches allaient à leur travail de fonctionnaires et quand les femmes restaient à la maison pour nourrir le foyer dans leurs petites maisons individuelles de quartier  aux couleurs pastel et découpaient les cookies en formes amusantes.

La vie était centrée autour de la stabilité du foyer et de la famille et 97% des hommes et des femmes « mariables » l’étaient déjà. C’était une société de couples et tous avaient des enfants…

Les Américains ont commencé leur liaison passionnelle avec la télévision dans la première partie de la décade et vers 1955, les ¾ d’entre eux en possédaient une et passaient 1/3 de leur journée à regarder I Love Lucy, The Honeymooners, Jack Benny, Queen for A Day, What's My Line, Ed Sullivan and American Bandstand.

Le consumérisme fleurissait alors que les pubs télé convainquaient les spectateurs de la nécessité de posséder toutes les dernières nouveautés.

Pour les citoyens noirs, au cœur de cette prospérité, la vie restait la même. Quand bien même

la Cour Suprême

avait pris la décision de condamner la ségrégation et de la déclarer discriminatoire, les esprits ne changèrent pas aussi vite.

Il y eut un changement radical dans la musique. Un son qui avait ses racines dans la musique noire et qui était dénommée « musique raciale » devenait très populaire auprès des adolescents. L’été 1951 vit la première du « Moondog Show », qui diffusait de la musique avec un « rythme », le Rock ‘n Roll…

L’automobile devint une icône américaine.

La Ford Thunderbird

, les Chevrolet Sedan et les Chrysler furent érigées au rang de symboles de la nouvelle société. Le pays commença à vivre sur les roues des GT qui ralliaient les drive-in, étendards du langage et de la culture. On construisit des autoroutes et les voyages en voiture fut élu passe-temps national.

La Guerre Froide

entre les deux superpuissances, l’Amérique et

la Russie

, fit planer une ombre de peur sur les années frivoles. On créa les bombes atomiques et hydrogènes. Les militaires firent 200 tests nucléaires entre 1954 et 1958. Les américains se retrouvèrent à scruter le ciel et apprirent à se protéger sous terre.

Mais ces souterrains d’américains insouciants étaient bien loin des autres souterrains existants pour ceux qui profitaient aussi de cette manne des fifties mais qui étaient loin d’être conformes et honorables. Les nantis n’avaient aucune idée que certains autres puissent avoir affaire à ces clans qui florissaient depuis les années 30, italiens pour la plupart.

La Mafia.

Avec les mafieux se rangèrent les escrocs en tous genres et les citoyens américains moins scrupuleux que leurs congénères qui regardaient la télé en famille autour du chef de maison heureux et fier.

Les marginaux ont eu leur heure de gloire dans ces années-là. Mais entre les citoyens modèles et les criminels, il n’y avait plus de place pour ceux qui étaient tiraillés entre le respect des valeurs et les changements sociétaux. Privés de leurs repères ou pas, ces personnes-là, acoquinées avec des petites frappes sans pour autant tuer ou en donner l’ordre, avec des gangsters sans pour autant voler ou frapper se retrouvèrent finalement dans l’anonymat de ruelles sombres et glauques à vivre ou exercer des professions non moins dérangeantes pour la vertueuse Amérique.

Donc voilà comme se déroule une journée chez les saints américains. James se lève, Betty est déjà dans la cuisine en train de préparer son petit-déjeuner à son époux qui va travailler pour nourrir la petite famille. Quand il arrive, il éblouit par son sourire blancheur, caresse affectueusement la tête de son petit garçon si… américain avec son gant de base-ball sur ses genoux et adresse un regard de pure admiration à sa fille qu’il trouve si jolie. En mangeant, il lit son journal et égrène ces minutes de quelques commentaires sur la vie, la politique, les sports et promet à James Junior qu’en rentrant du travail, il fera des passes dans le jardin avec lui. Ce qu’il fera. Il promet à Betty de ne pas rentrer tard. Ce qu’il fera. Elle sera là l’attendre, dans sa jolie robe aux couleurs pastel, sa mise en pli impeccable faite chez le coiffeur quelques heures plus tôt avec son amie Mona, charmante maîtresse de maison aussi. Et ainsi de suite. Le dimanche, ils iront avec leur Chevrolet dont ils sont si fiers à l’église à trois pâtés de maison de leur domicile, donneront à la quête et inviteront le pasteur à déjeuner chez eux avec d’autres amis.

Et cette semaine achevée, une autre se commencera et se finira de la même manière.

Cette vie était considérée comme un modèle. Aisance matérielle sans ostentation, sourires et rires, robot mixer, personne, encore moins les femmes, ne songeait que cette manière de vivre ne leur convenait pas.

Chacun était brimé à sa manière ces années-là. Les années brillantes étaient aussi paradoxalement les plus sombres de la déchéance humaine.

Les femmes étaient trompées par leur raison, leurs gosses accros aux musiques du diable punis pour avoir parlé à un type de mauvais genre, les noirs par les blancs, les divorcées par les mœurs, les gangsters par une police déshonorée et désireuse de regagner leur respectabilité perdue, même quand il s’agissait du meurtre d’un noir anonyme…

11 juillet 2006

Le Cygne Manchot - Présentation

Que celui qui a déja croisé un cygne manchot vienne me le dire...

Pourquoi ce titre? C'est un petit plin d'oeil à mon groupe d'amis légèrement déjantés. Les gars, j'ai gagné mon pari ! D'ailleurs, ceux-ci en quasi totalité sont présents dans ce nouveau projet. Chaque personnage à son inspiration que je l'aisse dans l'anonymat, désolée pour ceux qui ont des délires de grandeur, mais pour l'instant on va rester anonymes...

Alors voilà. C'est l'histoire classique d'un meutre, d'un meurtrier qu'un inspecteur recherche, perdu dans la pléiade de témoins peu recommandables dans des endroits pour la plupart sinistres. Le coup classique du roman noir des années 50 et je ne cache pas que mon inspecteur à moi ressemble un peu à Sam Spade. Le travail n'est pas tant sur l'intrigue, quoiqu'il faille trouver une cohrénce, une fluidité et semer des indices, ce qui n'est pas aisé. Mon travail se situe plus en profondeur... Sous la peau, il y a cet espace qui se tord et tourne. Sous ma peau, je cherche à l'utiliser. A le décrire.

Le Cygne Manchot est dans la lignée des romans noirs, avec les éléments propres au genre. Mais il est différent. Vous vous en rendrez compte quand vous le lirez.

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